Aidez-nous !
 
-

Nouvelles d'Haïti .

 Et voici enfin quelques nouvelles.

Comme vous le savez, sans doute, je suis à Port au Prince depuis fin octobre. Les instituteurs, les élèves et moi avons été très heureux de nous retrouver après 8 mois de séparation. Cette année, chaque élève de l’école primaire a reçu gratuitement les manuels scolaires, 2 cahiers et un crayon bille. Je pensais m’occuper sur place de l’achat de matériel – Soleil d’Haïti tient absolument à acheter tout sur place afin de favoriser l’économie locale - pour les enfants de maternelle, mais… catastrophe, le directeur a inscrit 50 nouveaux élèves, il a voulu bien faire et le fait que nous assurions la gratuité totale de l’enseignement, les demandes affluent. Mais nous avions établi le budget sur une base de cent élèves…
Autre problème, l’an dernier nous recevions une aide alimentaire d’un organisme national qui nous permettait d’assurer un repas quotidien à tous les élèves – riz et haricots – cet organisme a décidé de ne plus rien fournir aux écoles privées. Alors nous avons remis en place la petite collation que nous avions instaurée l’an dernier : 2 petits pains beurrés et un fruit (qui a remplacé le lait, beaucoup trop cher) Il faut savoir que ce simili repas est le seul que la majorité d’entre eux reçoivent de la journée. Il m’arrive parfois de demander à une classe entière ce qu’ils ont mangé la veille et au moins 9 sur 10 me disent : « 2 pains et une orange… pas de cob la caye » pas de sous à la maison… Petit moment d’émotion quand, avant de quitter l’école, certains viennent, chaque jour, me dire merci et lorsque je demande  de quoi, ils me remercient,  ils me disent « pour le pain »…  dur de sentir monter  l’émotion mais je ne suis que le simple media entre eux et vous et ce merci tellement émouvant, c’est à vous qu’il s’adresse pour l’aide que vous leur apporter tout au long de l’année.
Alors j’adresse des demandes d’aide alimentaire, dans toutes les directions, aux ONG . susceptibles de nous donner quelques grains de riz… toujours la même réponse, plus rien, tout est déjà absorbes par les programmes en cours. Même le Père Simon qui accueille chaque jour dans son école, plus de 200 enfants des rues pensait devoir arrêter la cantine ; miracle, sans avoir rien demandé il vient de recevoir un gros chèque de la Fondation de France.

A l’école tout le monde travaille dur et dans la joie, malgré la faim, malgré la promiscuité. Nous manquons de tables et de chaises. Food for the Poor qui nous avait donné 40 petites chaises pour les maternelles, l’an dernier, nous a chichement offert 3 tables cassées que nous avons du faire réparer. Pour Noel, cet organisme nous avait promis 70 boites de jeu pour les garçons, nous avons réussi à en obtenir 40. Nous assurerons les 110 qui restent pour que le Père Noel qu’ils attendent comme tous les enfants du monde ne les oublie pas. Nous voulions faire une grande fête le 25 décembre, elle devra être très écourtée pour des raisons de sécurité : la délinquance est en hausse en ce moment dans la Cite, un chauffeur de l’ambassade de France a été tué d’une balle dans la tête, il y a quelques semaines et j’étais moi-même dans le collimateur de petits malfrats incontrôlables qui voulaient « contrôler le vieux blanc qui vient tous les jours ». Comme me disait une jeune Haïtienne, « dès qu’on veut faire quelque chose de bien ici, on vous en empêche ». Aux approches des fêtes de fin d’année, les bandits, comme on les appelle ici, redoublent d’activités, pour célébrer Noel, à leur façon. Après concertation avec les policiers, les voisins de l’école, les enseignants et les parents, j’ai décidé de ne plus y aller jusqu’à la rentrée. C’est eux que je mettais en danger aussi, eux connaissent la violence de ces gens qui les terrorisent au quotidien, qui possèdent le dernier modèle d’armes automatiques – ou se les procurent-ils? qui sont les trafiquants qui les fournissent ? on ne fabrique pas d’arme dans le pays. Tout cela m’a fait réaliser les conditions de vie des habitants, je croyais, jusque-là que les peurs qu’ils exprimaient et les mises en garde qu’ils me donnaient étaient dues à une paranoïa, ancrée dans la mémoire collective depuis les grandes peurs vécues lors de la transportation  négrière. Je sais maintenant que les causes sont  bien actuelles et que nul n’est à l’abri. C’est dans ce climat les enfants doivent se construire.

Pourtant, il n’y a pas de violence en eux. Il faut les voir venir pleurnicher, dans le bureau du directeur, à la recréation, parce que l’un a été poussé ou griffé ou insulté par un autre. Met Casimir est une vraie maman, il réprimande, console, soigne les petits bobos, comme chez nous, pareil… et cela nous fait bien rire.

Je ne pourrai plus aller non plus, pour le moment à l’atelier d’artisanat que je viens de mettre en place près de l’école pour donner du travail aux parents. Il fonctionne depuis la semaine dernière et nous commençons à fabriquer des cabas de marché, des paniers pour enfants, toutes sortes de sacs, des pochettes, des boites à lunch, des coffrets,… à partir de sacs de plastique usagés et de papiers d’emballage de paquets de gâteaux et de spaghettis.

    sac haïtien

Ce ne sont que des prototypes que nous présentons, et ils sont perfectibles. Je suis certaine que nous pouvons les commercialiser, nous cherchons des diffuseurs grossistes. La matière première utilisée est un argument de vente, tout à fait dans l’air du temps – recyclage des matières plastique et préservation de l’environnement, commerce équitable et développement de l’économie locale d’un pays du sud… J’ai vu hier la production d’un autre atelier, RARABAGS, qui diffuse aux US, et les objets sont bien moins beaux. Pour le moment 7 personnes travaillent à l’atelier de confection, nous avons 27 demandes en attente que nous embaucherons des que les commandes le permettront. Mais tous les parents et les enfants participent à la collecte ; pas difficile, ici, pas de poubelle donc tout traine dans la rue…

Bien d’autre chose à raconter encore, mais je vous laisse à vos préparatifs de Noel et vous souhaite de très bonne fêtes.

Amitiés à tous.

Marie-Hélène Lestrohan